Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Ma SEP, mon passager noir

Continuer d'avancer ...

10 Février 2016, 17:54pm

Publié par ML Gambié

Tomber malade, être atteint d'une maladie chronique, nous fait passer par des phases qui s'apparentent aux phases de deuil. Elles sont incontournables. On en sort.... ni plus fort ni plus faible, mais incontestablement autre.


LES ETAPES DU DEUIL

Le deuil à la suite de la perte d'un être aimé est artificiellement décomposé en plusieurs étapes, on en retrouve communément entre quatre et sept. Je retiens pour ma part le découpage suivant : 1. le déni 2. la colère 3. l'expression 4. la dépression 5. l'acceptation

Se voir diagnostiquer une maladie incurable nous fait passer par ces mêmes étapes. Il y a eu une vie avant, une date centrale, et il y aura une vie après : c'est bel et bien à un travail de deuil que nous devons nous livrer.

QU'EST CE QUE L'ACCEPTATION ?

Beaucoup de malade "débutants" s'interrogent et nous interrogent sur les forums spécialisés : "finit-on par accepter ?". Il importe de bien préciser en quoi consiste cette "acceptation". Il ne s'agit pas de courber le cou et d'attendre le fer d'un bourreau divin, de se soumettre à une Providence incarnée dans notre chair ! Cette acceptation-là ne serait qu'un prolongement délétère de la phase dépressive, elle ne conduirait pas à la fin du deuil, mais à la fin de la vie.

L'acceptation, au sens psychanalytique, consiste à réussir à poursuivre sa route en ayant compris que l'événement qui "y a été placé" (version croyants) / "s'y est trouvé car la vie est ainsi faite" (version athées) n'est rien de plus que cela : un événement sur notre route, et que si nous le laissons prendre plus de place que ça, nous vouons le reste de notre existence au désespoir.

FAIRE AVEC

"Accepter" c'est se résoudre à "faire avec", réorganiser sa vie AVEC la maladie, puisqu'on ne peut s'en défaire ; c'est arriver au point où on admet qu'il ne s'agit que d'un accident de vie comme la très grande majorité de nos amis en connaît ou en connaîtra. Celui-ci a perdu ses parents très jeune. Celle-ci est stérile. Ceux-ci ont été malheureux dix ans ensemble et se séparent.... Je ne connais pas de vie linéaire, plate, sans surprise.

Dans cette acception, oui, il est possible d' "accepter". J'en témoigne. Accepter le diagnostic, accepter la maladie, accepter la vie "avec".

(Sur l'acceptation de la douleur, mon expérience est peu significative : je vis avec elle mais je ne souffre pas de douleurs incapacitantes comme beaucoup de SEPiens en éprouvent ; je n'ai à affronter que des paresthésies à type de brûlures glacées, des hyperesthésies qui m'amènent à élaborer des stratégies pour utiliser ma main droite le moins et le mieux possible, des engourdissements au réveil, bref des choses auxquelles je me suis peu ou prou accoutumée au fil des années, que je mets je dirais à 50% à distance soit intellectuellement - lecture, relaxation, focalisation de l'attention - soit chimiquement en utilisant les rares molécules que je supporte - de la poudre d'opium, des myorelaxants, des cures régulières de cortisone, et grâce à deux séances de kiné par semaine. Je ne suis pas un cas extrapolable.)

LA VIE REPREND SES DROITS

Une fois que l'on a passé par ces étapes, que le deuil est fait - et la difficulté de la SEP et de toute maladie chronique évolutive est qu'il faut en permanence faire de nouveau ce travail de deuil, repartir de l'étape une et passer par chaque phase pour de nouvelles parties de soi abîmées, des capacités et des compétences perdues, j'esquisse au début de ce blog un état des lieux mais je ne le referai pas régulièrement c'est inutilement douloureux ... - on rouvre les yeux. Cela a pris, consumé, consommé, des mois, des années, et finalement la vie reprend ses droits et l'envie renaît.

Que puis-je, que vais-je encore faire de ma vie ? Pour qui suis-je importante ? A quoi puis-je être utile ? Que puis-je donner ? Qui fait la vaisselle et dans quel état j'erre ??

J'ai entrepris de me remettre sur les rails de la vie active, je vous en avais parlé ici-même ("Reprendre ?"). Cela commence à prendre forme.

Le comité médical, sur les recommandations de l'expert que j'avais été amenée à consulter, a indiqué qu'une reprise était "possible EN TELETRAVAIL A DOMICILE". Cette décision a permis d'appuyer les demandes que je formulais, de leur donner une base solide. Il ne m'est pas possible de reprendre à mes anciennes attributions ni sur site : mes problèmes cognitifs me barrent définitivement l'accès aux professions juridiques et ma fatigabilité ainsi que tous les autres soucis me compliquant la vie en société (thermodérégulation et Uhthoff, problèmes de filtres compliquant quelque peu la vie sociale et hiérarchique ...) me rendent insurmontable une activité en-dehors de chez moi. Je ne serai plus juriste : que vaut un juriste incapable de mettre à jour ses connaissances ? Mais des compétences et des capacités plus anciennes, bien ancrées, talents rédactionnels, méticulosité quasi maniaque vis-à-vis de la grammaire et de l'orthographe ... j'en possède ! je les revendique et les cultive et elles peuvent être d'autant plus utiles qu'elles ne sont, finalement, pas si répandues...

BILAN DE COMPETENCES : SUIS-JE ENCORE BONNE A QUELQUE CHOSE ?

Je suis donc adressée à un cabinet RH qui va m'aider à réaliser un bilan de compétences. A l'issue de ce mois de bilan, de travail personnel, d'entretiens, des indications seront données à mon employeur.

Cela démarre le 21 mars, date de fin de ma période de CLD en cours.

Je suis fébrile. J'ai hâte. J'ai un peu peur.

De quoi suis-je encore capable ? Ai-je encore une utilité pour la communauté, au-delà de ce que j'apporte à mes proches et amis, qui est sans doute précieux mais ... ne me suffit pas ? Les compétences que je possède encore, mon administration trouvera-t-elle à les employer dans un cadre qui me rende le travail possible sans me conduire à l'épuisement et à enchaîner les poussées ?

21 mars. Dans un mois et une semaine.

J'ai faim. J'ai hâte.


 

Commenter cet article
B
Comme toujours tu mets les bons mots afin que ton explication soit accessible. Comme tu le dis si bien, aucune vie n'échappe à ses turpitudes, elles sont plus ou moins malheureuses. Ne stresse pas et vas-y tranquille afin de bien garder la maitrise de toi. J'ai confiance ;)
Répondre
M
Merci de ta confiance. Elle vient de poser en renfort de la mienne qui est souvent défaillante ;)