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Ma SEP, mon passager noir

Il était une fois ...

30 Avril 2017, 12:59pm

Publié par ML Gambié

Ce texte je l'ai écrit en 2014. Il dressait le bilan provisoire de mon état général. Je n'ai pas envie de le mettre à jour, il porte un message inscrit dans le temps. Il n'est pas nécessaire de s'infliger des souffrances évitables : comparer celle que j'étais à celle que je suis n'a que peu de vertus et bien des travers.
Mais voici : c'est ce texte qui a fondé ce blog et mis en forme mon besoin irrépressible d'exprimer mes peurs, mes ressentis, mes atermoiements parfois, mes progrès, mes gains aussi - tout n'est pas noir. 
Il était une fois ....

 

Mon passager noir

Tu m'as pris tellement en quinze ans, au fil des poussées, laissant chaque fois derrière toi les traces de tes sales pattes sur mes neurones ... Tu m'as pris la vision des couleurs de l'œil droit, comme ça, dès le début, sans te présenter encore. Tu m'as pris les caresses sur de multiples parties de mon corps, que tu as rayées du monde sensible sans autre forme de procès. Tu m'as pris la capacité à pisser quand je le décide et aussi un peu à chier parfois. Tu m'as pris le peu de tolérance au bruit qu'il me restait. Tu m'as pris le sommeil ininterrompu, et la merveilleuse insouciance d'un corps silencieux.
Tu m'as pris, cela date à présent, les mots, les précieux mots s'agençant en phrases évidentes coulant de mes doigts avec facilité, et la lecture intérieure au-delà de deux pages, moi qui lisais tant ! De ce fait tu m'as pris toutes mes rêveries possibles de lectrice, toutes les divagations sans images imposées et tout ce que Colette me gardait encore pour mes vieux jours. 
L'an passé tu m'avais pris jusqu'à mes orgasmes !! je te les ai regagnés, pourriture, différents, autres, réinventés, mais je te les ai repris !
Cette année... cette année tu as fait fort, salope ! Tu m'as pris le bras droit, que j'ai presque récupéré, t'abandonnant hélas ma belle écriture pointue et nerveuse et le bonheur d'une main acceptant la caresse ; tu m'as pris la capacité à réguler ma température, me pourrissant l'hiver comme l'été, me faisant me terrer des heures sous la couette dans de grandes crises de froid, me coinçant aux beaux jours sous la douche presque glacée puis errant à poil dans les courants d'air ; tu m'as pris les promenades en famille, les petites courses imprévues, les jeux avec le chat faisant mine de fuir devant moi, la main qui rassure tenant la main de ma petite pour traverser, l'imprévision, la spontanéité des sorties ; tu m'as pris les longues douches alanguies, corps abandonné au ruissellement chaud, oreilles emplies du bruit de l'eau : je ne tiens plus debout les yeux fermés ; tu me prends sur chaque jour douze à quinze heures que je te dois sans négociation possible ; tu as pris à mes filles l'illusion d'avoir une maman immortelle, sans laquelle il n'est plus de réelle innocence ; tu m'as pris encore, encore, et encore ; et tu m'as pris l'invisibilité ....
Je ne suis pas restée inactive face à tes attaques, pas mon genre !! Tu m'as concédé sans le savoir quelques bijoux et perles que je chéris à présent. Une volonté en acier trempé ; la joie d'être ici encore un peu, encore un jour, encore aujourd'hui ; la compréhension du véritable sens de ma petite présence dans ce monde si âpre ; la jouissance d'être dans ses bras, contre sa peau, sous son désir, dans mon désir si évident, éreintée de bonheur ; l'acceptation bienveillante de mon histoire ; une forme de paix ... Tu m'as donné ou je t'ai arraché l'immédiate compréhension de ce qui sépare l'important du futile, le vaste, l'immense futile chronophage et dévastateur. Et je t'ai repris, de haute lutte car ta maîtresse la dépression était aussi sur les rangs, l'animal amour des toutes petites joies, le rire immédiat et sans complexes, la gourmandise de l'instant, le goût des choses et les couleurs des sentiments, l'indifférence tranquille aux regards malveillants.
Je ne serais pas devenue celle que je suis sans toi, tu sais ? Pas si vite en tout cas. Tu es mon ombre intérieure, nous sommes indissociables... mon passager noir qui sapes et grignotes et finiras par emporter dans sa folie chaque pan de moi... 
Mais pas demain, pas aujourd'hui, pas maintenant. Maintenant, je suis heureuse.

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Ah et si ces mots dérangent parce qu'ils ne cachent ni le handicap ni la maladie, passez votre chemin 
"Rester digne" ce n'est pas, ce ne sera jamais "fermer sa gueule pour ne pas choquer les braves gens". Je refuse que MA dignité soit dans VOTRE oeil.
Je suis ici chez moi, j'écris ce que bon me semble lorsque le besoin s'en fait sentir. 
Chacun gère la maladie de la manière qui lui semble la meilleure. Moi, c'est avec des mots, et ça ne changera que lorsque la SEP me les aura tout-à-fait ôtés. Je n'autorise personne à me juger. Absolument personne. Et je ne retiens pas ceux que cela ennuie.

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A
beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une belle découverte et un enchantement.N'hésitez pas à venir visiter mon blog. lien sur pseudo. au plaisir
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M
Merci je vais me dégager du temps pour aller flâner sur tes pages. A bientôt ?